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L’art du monologue : le théâtre indien contemporain

Auteur : Elizabeth Naudou
IrAsia (AMU-CNRS; UMR 7306) – http://www.irasia.cnrs.fr

Le monologue, qui fut de tout temps considéré dans la tradition théâtrale de l’Inde comme l’un des trois genres principaux, connaît actuellement un regain de popularité.

 

Le théâtre indien contemporain est un théâtre extrêmement diversifié, polymorphe, qui se décline dans les diverses langues vernaculaires indiennes auxquelles s’ajoutent le sanskrit et l’anglais, héritier de la riche tradition sanskrite et largement influencé par le théâtre des envahisseurs (Grecs, Śaka, Moghols, Européens). Dans ce curry multiculturel qu’est la scène théâtrale hindie post-indépendance, où les traductions et mises en scène des textes de Shakespeare, Sophocle, Euripide, Brecht, Tchekhov, Ibsen, Beckett, Ionesco, Goldoni voisinent avec celles de Girish Karnad, Habib Tanvir, Mohan Rakesh, Dharamvir Bharti, Badal Sircar… une place importante est faite au monologue, inventorié parmi les genres principaux dans le célèbre Nāṭyaśāstra, « Traité d’art dramatique » (iie siècle apr. J.-C.).

G. P. Deshpande, dramaturge contemporain de langue marathie, dit que « la performance en solo est […] en fait une performance à deux, pour autant que le mot soit la deuxième personne. La tension acteur-mot rend la performance solo des plus intéressantes et mémorables […] ». Le nouveau théâtre s’est tourné vers le mot. Une nouvelle sémiotique de l’art dramatique a vu le jour.

Maya Krishna Rao
Crédits photos : © S. Thyagarajan Maya Krishna Rao dans Khol Do, « Ouvre ! », de Saadat Hasan Manto, 9e Theatre Utsav, New Delhi, 2007.

Dès les premiers Aphorismes sur l’acteur (Naṭasūtra) qui remonteraient au viiie siècle av. J.-C., mais dont nous n’avons du contenu que des témoignages, il est question des acteurs-conteurs : les naṭa sont des chanteurs, récitateurs, acrobates, danseurs, mimes. Ce mot qui désigne l’acteur est d’ailleurs apparenté au mot nāṭya, « art dramatique », et dérive d’une racine verbale commune qui signifie « danser ».

Théâtre et danse ont toujours été intimement liés dans la pratique théâtrale. Les mises en scène de monologues ont é­ga­lement hérité de cette tradition, tel le spectacle Dashanan chorégraphié par Sumeet Nagdev à l’Indigene Festival, Pune, Inde, en octobre 2017 (voir la vidéo annexe). Le jeu scénique requiert de l’acteur une formation pluridisciplinaire complète, telle qu’elle est décrite en détail dans les traités. Le meilleur exemple contemporain en est la mise en scène de la pièce de théâtre Madhavi de Bhisham Sahni, par la comédienne Rashi Bunny, qui, seule en scène, n’en joue pas moins des 24 rôles… Au xxie siècle, le monologue « institutionnalisé » sur la scène théâtrale indienne en milieu urbain s’inscrit dans une tradition qui perdure et se régénère, au-delà des vicissitudes de l’histoire de cette brillante civilisation amoureuse du Beau, qui a toujours encouragé l’art sous toutes ses formes, l’expérience esthétique étant comparable à l’expérience spirituelle.

Manuscrit Ishqnamah
Miniature représentant le nawab Wajid Ali Shah enseignant l’art dramatique dans son palais. Source : manuscrit Ishqnamah [le livre de l’amour], 1850, Royal Library, Londres.

Savez-vous que….

Le plus grand festival de théâtre d’Asie est un festival indien annuel, le Bharat Rang Mahotsav, « Festival de théâtre de l’Inde » qui a lieu à New Delhi et Mumbai. Pour exemple le BRM de 2008 (Xème festival depuis sa création) réunit, en 17 jours, 76 spectacles, dont 57 de l’Inde et 19 de l’étranger et rassembla 50 000 spectateurs à New Delhi et 20 000 à Mumbai.
Le théâtre indien contemporain est un théâtre polymorphe hérité de la tradition et des divers mouvements coloniaux : théâtre de marionnettes, théâtre d’ombres, drames, comédies, monologues, comédies musicales, nauṭanki, théâtre dansé, mises en espace de récits mythologiques ou profanes par des conteurs etc…Et, ce, dans les différentes langues officielles de l’Union indienne (22), y compris le sanskrit et l’anglais. Le théâtre ancien sanskrit est toujours joué en sanskrit (non traduit) au XXIème siècle.
Des pièces de théâtre sont actuellement écrites en sanskrit.
La première pièce de théâtre hindi fut écrite et jouée par un Nawab, au XIXème siècle, le dernier nawab du royaume d’Oudh (Awadh), le roi Wajid Ali Shah qui, bien que fervent musulman, composa une pièce dont le protagoniste est le dieu hindou Krishna. Les premiers embryons de théâtre indien remontent au XVème siècle avant J.-C.. Dans le Rig Veda, un hymne dialogué met en scène le dieu de la mort Yama et sa sœur jumelle Yami qui le supplie de s’unir à elle.

Télécharger le panneau de l’exposition

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