Auteure : Fiorella Allio
IrAsia (AMU-CNRS; UMR 7306) – http://www.irasia.cnrs.fr
Les Taiwanais combinent sans difficulté marches sacrées et mesures high-tech pour parcourir l’univers où se rencontrent les êtres vivants et les esprits.
L’étude des temples, des réseaux de cultes et des rituels collectifs de la religion populaire de la population insulaire han à Taiwan nous informe non seulement sur les croyances et pratiques symboliques mais aussi sur l’organisation socioreligieuse des communautés locales à travers les siècles et le territoire. Ces phénomènes ont accompagné l’implantation des migrants hokkien et hakka parvenus massivement à partir du xviie et xviiie siècles sur une terre préalablement peuplée d’autochtones austronésiens.
Les temples communautaires construits et transformés au fil des siècles étaient, au début et grâce au système de la « division de l’encens », affiliés à des temples plus anciens sur le continent. Ces magnifiques édifices dédiés aux nombreuses divinités du panthéon parsèment tout le territoire et sont plus de 10 000. Un cinquième d’entre eux se situent dans la région de Tainan, foyer historique de l’immigration han et cœur de l’enquête de Fiorella Allio.
Centres névralgiques d’intenses réseaux socioreligieux ils sont fréquemment visités par des processions territoriales et des pèlerinages, moteurs d’aménagement de l’espace symbolique. Ces événements, additionnés, révèlent le paysage spirituel de Taiwan, mais personne ne peut en dessiner les pourtours car les événements en question sont éphémères et de tradition gestuelle et orale. Ils sont néanmoins inscrits de longue date dans la mémoire collective et la carte mentale des locaux.
Un projet de coopération en 2012 a permis avec les moyens taiwanais de la science de l’information géographique et des enquêtes de terrain ethnographique de F. Allio de saisir sur le vif les parcours de sept gigantesques rituels processionnels dans la région de Tainan, se déroulant durant plusieurs jours. Les données recueillies ont débouché sur des tracés précis et fiables reportés sur des images satellitaires permettant ainsi de fixer itinéraires et frontières religieuses. La création de cartes tout à fait inédites et la publication d’un Atlas ont ainsi montré la voie à d’autres initiatives du même genre.
Il est à noter que le déploiement spatial du rituel processionnel est traditionnellement guidé par une charte énumérative des lieux sensibles et significatifs du territoire dont les positions respectives sont évaluées plus par la durée que par la distance. Cette charte est affichée à l’avant du cortège, tel un talisman ouvrant et protégeant la voie d’une entreprise risquée mais nécessaire pour pacifier les lieux et les rendre prospères.
Les grandes assemblées itinérantes des hommes et des dieux
