Auteur : Jean-Marc de Grave
IrAsia (AMU-CNRS; UMR 7306) – http://www.irasia.cnrs.fr
À travers ses dimensions cosmologiques, rituelles, politiques, éducatives, esthétiques et sportives, le pencak silat est un art martial unique en son genre.
À la veille de la crise économique asiatique de 1997, au moins 70 millions de personnes pratiquaient les arts martiaux du monde malais. Jusque-là, la dimension éducative de ces arts primait, mais aujourd’hui, le processus de scolarisation exacerbé supplante les pratiques formatives locales.
Perspectives historique et ethnologique
Selon Denys Lombard, ces arts martiaux trouvent leur origine dans les communautés religieuses de la période hindo-bouddhiste (viie-xve siècles). La tradition a été reprise par les écoles musulmanes pesantren où elle s’est maintenue. Ces pratiques convergent avec des initiations rituelles locales pré-indianisation, probablement liées à la chasse aux têtes généralement pratiquée en Asie du Sud-Est à cette époque.
Les spécialistes indonésiens sont unanimes : la moitié méridionale de l’île de Sumatra constituerait la région à partir de laquelle s’est répandu l’art martial. Le lien à l’activité rituelle locale (mariage, circoncision, etc.) est d’ailleurs bien plus marqué pour les courants de silek minangkabau (Sumatra Ouest) et ceux de silat malais (Est de Sumatra et Malaisie), mais aussi pour le penca sundanais de la région proche de Java Ouest. L’art martial est alors présenté sous une forme esthétique semblable à une « prière en mouvement » (langkah sembah) ou à une « danse » (tari) accompagnée de percussions à main frappée (gendang), de clarinettes (serunai) et d’un gong. De plus, le vocabulaire technique de ces langues régionales est plus riche qu’en javanais où le terme utilisé est pencak. Ces différentes formes régionales se transmettent à travers plus d’un millier d’écoles disséminées dans le monde malais, mais aussi en Asie du Sud-Est, en Occident et ailleurs. Dans les styles les plus traditionnels, l’apprentissage des pratiques de soins est de mise.
Développement contemporain
De manière significative, malgré un contexte politique très perturbé, la fédération nationale de pencak silat (l’IPSI) est fondée dès 1948, avant la reconnaissance internationale de l’Indonésie comme État nation. Dès le premier congrès de l’IPSI en 1950, le pencak silat est considéré comme sport national ; s’ensuivent de nombreuses compétitions régionales et nationales. En 1980, des délégations de Singapour, de la Malaisie et de l’Indonésie réunies à Jakarta fondent la Fédération internationale de pencak silat : Persekutuan pencak silat antara bangsa ou Persilat. Le gouvernement indonésien choisit ainsi de mettre en avant le sport dans la pratique du pencak silat alors qu’il aurait pu valoriser d’autres aspects de cet art martial comme l’éducation, la culture ou le religieux. Les maîtres ou les écoles d’arts martiaux locaux jouent en effet un rôle social important dans lequel le sport n’a pas grand-chose à voir. Il est d’ailleurs fait systématiquement appel à eux en cas de tensions sociopolitiques locales, régionales ou nationales. Leur rôle de figure locale prédominante battu en brèche dès la politique culturelle de Suharto, n’a cessé d’être réduit jusqu’à aujourd’hui.
Bibliographie, liens, références utiles
De Grave (Jean-Marc)
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Facal (Gabriel)
2010: «usages politiques des arts martiaux»: 624, 2010c «Banten (Java Ouest)»: 399-400, Dans Arts Martiaux du Monde: Une Encyclopédie ., TA vert dir, ABC-CLIO.
2012 L’initiation rituelle penca, les réseaux musulmans et les structures politiques. Le cas de l’école Cimande Pusaka Medal dans la province de Banten (Indonésie), thèse de doctorat d’anthropologie sociale, Aix-Marseille Université (à soutenir dans le courant de l’année).
Farrer (Douglas) S. 2009 Ombres du prophète: Martial Arts et soufi Mysticisme, Pays – Bas: Springer
Gaudin (Benoit) 2009 « La codification des pratiques martiales – Une approche socio-historique » in Gaudin (B.) « Pratiques martiales et sports de combat », Les actes de la recherche en sciences sociales, n° 179 : 4-29.
Lombard (Denys) 1990 Le carrefour javanais. Essai d’histoire globale, vol. I/II/III, Paris, EHESS.
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Films
2006 : Une présentation des arts martiaux malais à Sumatra, en Malaisie et à Java – Silek, silat, penca’ et pencak, documentaire (52 mn), production LASEMA/Jean-Marc de Grave, moyens techniques « Cultures, Langues, Textes » (UPS 2259). https://www.canal-u.tv/video/cnrs_ups2259/une_visite_des_arts_martiaux_malais_silek_silat_penca_et_pencak.44075
2005a : Le travail sur l’énergie vitale dans les arts martiaux javanais – L’école Merpati Putih ; documentaire (24 mn), production LASEMA/Jean-Marc de Grave, moyens techniques « Cultures, Langues, Textes » (UPS 2259).
2005b : La perception dans les arts martiaux javanais – Le travail sur la proprioception, documentaire (23 mn), production LASEMA/J.-M. de Grave, moyens techniques « Cultures, Langues, Textes » (UPS 2259). https://www.canal-u.tv/video/cnrs_ups2259/la_perception_dans_les_arts_martiaux_indonesiens_l_ecole_merpati_putih.44069
