Retour à Asie

Les villes lentes de Corée du Sud

Auteur : Jean-Claude de Crescenzo
IrAsia (AMU-CNRS; UMR 7306) – http://www.irasia.cnrs.fr

Parti d’Italie, le mouvement des villes lentes se développe depuis 20 ans à travers le monde et diffuse ses principes écologiques, jusqu’en Corée du Sud…

Origine du mouvement

En 1999, naissait à Orvieto, en Toscane, un mouvement d’opposition à la restauration rapide, qui allait vite étendre son principe à d’autres éléments de la vie sociale. Le mouvement des slow cities ou città slow allait réinventer « la lenteur ». Aujourd’hui, 167 villes dans le monde y adhèrent.

Ces villes de moins de 60 000 habitants s’accordent, sur la base d’une charte, à élaborer des politiques de dé­ve­lop­pement « quand on ne peut pas faire au­trement ». 70 recommandations et obligations animent l’esprit de ces villes lentes, parmi lesquelles : la mise en valeur du patrimoine urbain historique en évitant la construction de nouveaux bâtiments ; la priorité aux transports en commun et autres transports non polluants ; la multiplication des zones piétonnes ; le développement d’une véritable démocratie participative ; la préservation et développement des coutumes locales et produits régionaux.

Et en Corée du Sud ?

En contrepoint de son développement exponentiel, la Corée du Sud, et plus particulièrement une région, le Jeollado, a investi dans le mouvement des città slow.

Dans la ville de Jangheung, une route sans voiture. Crédit photo : AHN Hong-beom

Le Jeollado

Située au sud-ouest de la Corée, c’est une terre autrefois hostile au pouvoir royal, une terre de bannissement des lettrés écartés des affaires de l’État. Région agricole, elle est le grenier de la Corée. Près de 40 écrivains sud-coréens sont nés à Jangheung, l’une des città slow de la région. Certains auteurs y ont leur propre musée ; un musée entier est même consacré à une œuvre littéraire de l’écrivain J-o Jeong-nae : Arirang-La chaîne des monts Taebaek.

10 villes adhèrent au mouvement

Ces villes sont : Shinan, Wando, Jangheung, Damyang, Hadong, Namyangju, Sangju, Cheongseong, Yesandaeheung, Jeonju.

Elles n’ont pas d’orientation touristique mais une idée de « meilleure vie ». Ce ne sont ni les questions du tourisme ni les questions du patrimoine qui guident la réflexion des città slow, mais la question du cadre de vie. En réalité, il s’agit de « morceaux » de villes lentes – une ville ne pouvant pas toujours être entièrement « slow » – comme un quartier, une école, une section de route, parfois un village de basse montagne, un plat culinaire, un festival… souvent organisé autour d’un thème, d’une réalisation (un musée, une piste cyclable, un parcours de santé, etc.).

L’exemple du petit village de Hanchi

Le petit village de Hanchi réunit les habitants autour de passions communes : la littérature, la philosophie et la qualité de la vie. Ensemble, ils développent une petite agriculture raisonnée, s’entraident pour retaper les maisons, s’appuient sur les ressources locales naturelles et développent entre eux (et les visiteurs) une convivialité jamais démentie. Le village ne comprend que 10 maisons, mais il possède sa maison des arts et de la littérature.

La célébration des arts ou l’art de vivre : Quand maisons et musées abritent les arts de l’esprit

Quand fiction et réalité s’emmêlent

Jean-Claude de Crescenzo nous livre deux moments aux charmes surréalistes vécus dans sa traversée des villes « lentes ».

« Sur l’île « lente » de Cheongsan, cheminant sur le sentier pris autrefois par les personnages du film de Im kwon-taek La chanteuse de pansori *, tandis, que pas après pas, nous reviennent en mémoire les scènes du film, nous découvrons, au sommet du chemin, une villa qui fut le décor d’un drama coréen sans doute parmi les plus célèbres d’Asie : Valse de printemps. Dans le jardin de la villa, sur un panneau peint, les personnages principaux de ce drama nous accueillent, tout sourire. Contraste saisissant. Il nous faut rapidement passer de l’émotion brute de La chanteuse de pansori aux visages poupins des stars du korean-drama… ».

 * Le pansori est un art populaire issu de la littérature orale, qui depuis le XVIIe siècle, combine chant, jeu de tambour et récitation.

« Dans l’autocar qui nous amène en compagnie de l’écrivain Lee Seung-u au 2e anniversaire de la mort de Yi Cheong-jun, le grand écrivain coréen, le bus fait une halte imprévue dans le district de la ville « lente » de Jangheung. Lee Seung-u va s’enquérir du motif de cette halte en rejoignant un petit attroupement. Soudain il revient dans le bus et me demande de venir « saluer quelqu’un ». Au centre de l’attroupement, dissimulé par les gens attroupés, Im Kwon-taek, le plus grand réalisateur coréen, celui de La Chanteuse de pansori, me tend la main. Stupeur et joie de bavarder quelques instants avec lui. Il se rend lui aussi à l’anniversaire du décès de celui dont il a adapté deux textes, dont La Chanteuse de pansori. Chemin faisant, il a voulu revoir le décor dans lequel il a tourné le film Souvenir. »

Lien Permanent pour cet article : https://asie-oceanie.cnrs.fr/exposition/asie/villes-lentes-coree/

Asie-Océanie

GRATUIT
VOIR