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Les migrations en Asie du Sud-Est : essor et féminisation

Auteur : Laurence Husson
IrAsia (AMU-CNRS; UMR 7306) – http://www.irasia.cnrs.fr

L’Asie abrite près de 60 % de la population mondiale et plus des deux tiers de sa force de travail.

Démographie

Depuis les années 1980, les femmes participent activement aux flux migratoires de travail, dans le but de se réaliser sur le plan personnel et professionnel et non plus de rejoindre un parent. Les migrations féminines de travail constituent désormais la majorité des flux de travailleurs migrants sous contrat en Asie.

Sociologie

Les Philippines et l’Indonésie sont les premiers exportateurs mondiaux de main-d’œuvre féminine. La spécificité de ces migrations est la concentration des migrantes dans un nombre très limité d’emplois liés aux services, aide et soin à la personne : le « care ». Les catégories d’emplois féminins à l’étranger, subalternes, renvoient à des stéréotypes sur les femmes asiatiques, perçues par les employeurs comme douces et dociles : servantes, garde-malades, nounous, serveuses, hôtesses, masseuses, chanteuses et prostituées, et pour les plus qualifiées infirmières et personnel hospitalier. L’offre de main-d’œuvre a su répondre et s’adapter à la demande. Ces femmes ont été capables de quitter leur famille et leur pays, au moment où la demande de travailleurs masculins a diminué dans les États pétroliers du Golfe, au profit d’une demande de main-d’œuvre féminine, qui ne nécessite ni diplômes ni qualification tout en proposant des salaires plus importants que dans leurs pays d’origine.

Journée Internationale des migrants. Hong Kong. Crédit photo : Laurence Husson 18 décembre 2018.

Émancipation

Dans l’ensemble de l’Asie du Sud-Est, les femmes, célibataires ou non, connaissent une liberté de décision et de mouvement, et ont l’habitude de travailler en dehors de chez elles. Selon le concept de la piété filiale, une femme envoyée à l’étranger restera affectivement dépendante, et enverra la totalité de l’argent gagné à ses parents. La migration est souvent un divorce déguisé. Le divorce, socialement très mal perçu, n’est pas prononcé, mais la migration de l’épouse marque son indépendance économique et la séparation physique du couple. En Indonésie, les femmes mariées constituent­ le gros du contingent de migrantes, mais les divorcées, les mères célibataires et les veuves sont surreprésentées. Le départ est une solution de survie, d’oubli, de fuite. Les départs à l’étranger se sont banalisés et normalisés, au fur et à mesure que le coût des transports diminuait et qu’Internet facilitait les communications. Surtout, le volontarisme des gouvernements explique cet essor, avec l’émergence d’une « industrie de la migration » rentable, via leurs agences de placements publiques et privées. Mais cette migration, officielle et clandestine, n’aurait jamais pris un tel essor sans la constitution, par des pionnières, de filières et de réseaux familiaux et sociaux actifs, par lesquels circulent les informations nécessaires pour réussir le dé­pla­cement et le séjour à l’étranger.

Conscientes d’être de réelles actrices économiques, par les devises qu’elles rapportent et leur utilité dans les pays d’accueil, et très au fait de leur vulnérabilité et des abus que certaines subissent, ces femmes migrantes s’organisent et militent désormais via des associations d’entraide et des ONG pour faire respecter leurs droits.

Essor et féminisation des migrations en Asie

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