Auteur : François Robinne
IrAsia (AMU-CNRS; UMR 7306) – http://www.irasia.cnrs.fr
Les nouvelles migrations en Asie du Sud-Est entraînent de nouvelles formes de médiations et de réseaux d’entraide induisant des configurations sociales plus complexes et hétérogènes.
L’Asie du Sud-Est : une aire culturelle cosmopolite
L’approche essentialiste a longtemps réduit l’Asie du Sud-Est à sa diversité linguistique, sociale et culturelle. Les problématiques récentes de l’anthropologie combinées au processus de globalisation revisitent les frontières du social passées au crible des enjeux contemporains et de leurs spécificités. La condition cosmopolite comme vecteur de formations identitaires émergentes apporte sous cet angle un éclairage novateur et éclairant ; c’est en effet dans son hétérogénéité poreuse et non figée, plutôt que comme aire culturelle, que le sud-est asiatique en vient à faire sens.
L’ASEAN et ses corridors de développement
La crise économique des années 1990 a débouché, dans les années 2010, sur l’émergence de l’ASEAN Economic Community (AEC) et la mise en place de corridors de développement. De Shanghai à Jakarta, de Hanoï à Delhi, par voies terrestres et maritimes, les flux migratoires contribuent à redessiner le paysage social et culturel de l’Asie du Sud-Est dans son rapport au monde indien et au monde chinois. Dans ce contexte de mobilités intenses et de dynamiques transnationales, l’une des missions de l’anthropologie − définie comme l’analyse du changement social et des dynamiques contemporaines par le biais d’études de cas de portée plus globale − est de penser l’hétérogénéité et les nouvelles formes d’organisation sociales, en milieu rural comme en milieu urbain, appliquées au Sud-Est asiatique.
Hong Kong, Bangkok, Singapour : cités globales et triangle de convergences
Pour en rendre compte, l’IrAsia structure son programme « migrations » autour d’études de cas envisagées dans l’espace et dans le temps autour de 3 grands thèmes :
- migrations de travailleurs asiatiques dans l’empire colonial français au xxe siècle ;
- nouvelles migrations chinoises ;
- Hong-Kong-Bangkok-Singapour : un triangle de convergence.
Entamé au tournant des années 2000 dans le sillage du boom économique que connurent les économies asiatiques, le développement des trois cités globales que sont Hong Kong, Bangkok et Singapour constitue un axe interactif pour les migrants des pays voisins.
Mobilités, capital social, identités diffuses
Décider de s’emparer de ce tout complexe revient à embrasser la consistance d’éléments hétérogènes qui, en milieux urbains et transnationaux, paraissent précisément en être dépourvus. Dans cet espace transnational fait d’incertitudes, de mobilités et de précarités, la prise en compte de la dimension cosmopolite revient à réévaluer les choix et les contraintes entre lesquels naviguent au jour le jour les migrants. Dans le même temps où les « réseaux sociaux » et autres formes de liens communautaires ont tendance à être maintenus à distance, les migrants voient s’effriter le capital social du réseau d’entraide sur lesquels ils se sont à l’origine appuyés : réseaux chrétiens, entraide avec ou sans réciprocité dans le cas des Chin, don/contre don dans la sphère bouddhique, échange généralisé et réseaux claniques parmi les Kachin, etc.
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