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L’évangélisation en Papouasie Nouvelle-Guinée chez les Baruya et les Oksapmin

Auteurs : Pascale Bonnemère & Lorenzo Brutti
CREDO (AMU-CNRS-EHESS; UMR 7308) – http://www.pacific-credo.fr 

Dès les années 1930, l’Australie et le monde réalisent que, contrairement à ce qu’ils avaient imaginé, l’intérieur de la Papouasie Nouvelle-Guinée était densément peuplé, et surtout que les conflits entre les tribus étaient si nombreux que la pacification serait une des principales missions de la puissance coloniale et en particulier des missions religieuses.

Chez les Baruya

Les Baruya, une tribu de 5 000 personnes, habitent les Hautes-Terres de Papouasie Nouvelle-Guinée. Dans la vallée de Wonenara, une Église s’est installée dès le premier contact avec les Blancs qui eut lieu en 1951.

À la demande de la photographe, des adeptes de l’Église Revival posent vêtus de T-shirts publicisant des événements organisés par cette organisation évangélique. © Pascale Bonnemère, 2010

Cinq Églises différentes

Aujourd’hui, les Baruya ont le choix entre cinq Églises différentes, qui sont implantées dans différents endroits de la vallée de Wonenara. Même si les adeptes de l’Église évangélique Revival sont plus nombreux près du terrain d’aviation de la station de Wonenara, et si l’Evangelical Brotherhood Church, une autre église implantée plus récemment à deux heures de marche, comporte moins de fidèles, aucune ne domine vraiment les autres.

Choix et liberté de culte

Chacun est libre de choisir l’Église dont il va suivre les préceptes et il peut en changer autant de fois qu’il le veut au cours de sa vie, quels que soient son village de résidence et le lieu d’implantation de l’édifice religieux, une structure en bois au toit recouvert de chaume et aux fenêtres ouvertes. Les membres d’une même famille appartiennent souvent à des Églises différentes et personne ne pourra obliger qui que ce soit, y compris un enfant, à adhérer à sa propre Église.

L’intérieur de la construction de bois, bambou et chaume construite par l’Église Evangelical Brotherhood Church (EBC). L’autel est décoré de fleurs par les villageois avant chaque culte. © Pascale Bonnemère, 2010

Christianisme et rituels cohabitent

Le christianisme n’a cependant pas éliminé les croyances plus anciennes et les rituels d’initiation masculine, qui visaient à transformer les jeunes garçons en hommes adultes et autrefois en guerriers, ont survécu, bien que sous une forme édulcorée.

Chez les Oksapmin

Les Oksapmin, population des Hautes-Terres de Papouasie Nouvelle-Guinée, sont aujourd’hui massivement convertis à la religion chrétienne, ce qui a des conséquences sur leur environnement.

Entre christianisme et sorcellerie

Avec la conversion au christianisme, les Oksapmin ont abandonné, en théorie, un panthéon polymorphe dominé par l’esprit féminin ancestral Yuan ku pour adopter le Dieu chrétien. La croyance dans les esprits est cependant restée intacte et la sorcellerie a une place importante dans la société oksapmin. Les fidèles se retrouvent à l’église le samedi ou le dimanche, selon qu’ils sont adventistes ou baptistes, mais ils ont toujours tendance à attribuer la responsabilité d’un accident, d’une blessure ou d’une quelconque anomalie dans l’ordre physique et social, à la sorcellerie. Christianisme et sorcellerie cohabitent et sont autant de liens avec les puissances supérieures.

L’église Adventiste du Septième jour, Oksapmin. © Lorenzo Brutti, 1995

Un clivage entre êtres humains et environnement

L’évangélisation a produit un clivage entre les êtres humains et leur environnement, en véhiculant le concept de la domination des hommes sur la terre et ses fruits et sur la nature en général. Les Oksapmin se sentent libres de prendre de la nature ce qu’ils veulent et de le consommer comme ils le veulent. Les sites sacrés ont été détruits pendant le processus d’évangélisation et les portions de forêt, qui étaient interdites à l’agriculture dans le passé, sont aujourd’hui cultivées massivement. Les Oksapmin se préoccupent peu de la préservation de l’environnement forestier, alors que le bassin des rivières des basses terres est réputé en danger à cause de l’érosion et de la pollution chimique engendrée par l’exploitation minière active dans la région.

Une société en crise

La plupart des nouveaux adeptes du christianisme à Oksapmin ont été éduqués à l’occidentale, occupent au travail salarié et consomment des produits industrialisés. Ils se sont donc approprié certaines représentations capitalistes et se retrouvent, comparativement aux sociétés occidentales, dans une situation de crise, plus faibles économiquement et socialement que l’Australie ou les États-Unis. Cette situation montre à quelle point la question religieuse est entremêlée à des questions économiques et sociales.

Le saviez-vous ?

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, près de 200 Eglises ou organisations religieuses existent, et la Constitution comporte dans son préambule l’idée qu’il faut préserver et transmettre aux générations futures les savoirs traditionnels mais aussi que les principes chrétiens font désormais partie de la vie des habitants. Selon l’histoire de l’arrivée des missionnaires, de leur obédience, et de l’implantation des Églises, certaines zones du pays sont plutôt catholiques, d’autres plutôt protestantes. Depuis une vingtaine d’années, des sectes charismatiques évangéliques ont, comme ailleurs dans le monde, connu un développement important et les populations du pays éprouvent à leur égard un engouement croissant.

Bibliographie

Bonnemère, Pascale. 2013. « À chacun sa Bible. Styles de prêche et rapport à Jésus dans la vallée de Wonenara (Papouasie-Nouvelle-Guinée) », p. 227-258 in C. Pons (éd.), Jésus, moi et les autres. La construction collective d’une relation personnelle à Jésus dans les Églises évangéliques : Europe, Océanie, Maghreb, Paris : CNRS Editions (coll. Alpha).

Godelier, Maurice. 2017. Suivre Jésus et faire du business. Une petite société tribale dans la mondialisation, Vincennes : Editions Thierry Marchaisse.

Lemonnier, Pierre. 2013. « Arcs, flèches et orgue électrique. À propos de modernité et d’offensives évangéliques dans la vallée de Wonenara (Papouasie-Nouvelle-Guinée) », p. 189-226 in C. Pons (éd.),  Jésus, moi et les autres. La construction collective d’une relation personnelle à Jésus dans les Églises évangéliques : Europe, Océanie, Maghreb, Paris : CNRS Editions (coll. Alpha).

Sinclair, James. 1981. KIAP. Australia’s Patrol Officers in Papua New Guinea, Sydney, New York: Pacific Publications.

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