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Rapa Nui (Île de Pâques) : un équilibre fragile entre tourisme et préservation

Auteur : Diego Muñoz
CREDO (AMU-CNRS-EHESS; UMR 7308) – http://www.pacific-credo.fr 

Annexée par le Chili en 1888, Rapa Nui devient un grand ranch d’élevage de moutons jusque dans les années 1960. En 1966, l’île acquiert le statut de province du Chili.

En 1967, l’inauguration d’une liaison aérienne depuis le Chili marque le début de l’ère du tourisme. L’île devient une terre d’accueil pour des fonctionnaires et ouvriers chiliens et une destination pour des touristes venus du monde entier. Dans le même temps, de nombreux Rapanui partent s’installer au Chili ou en Polynésie française.

Cérémonie de l’aringa ora (visage vivant) pour l’accueil de l’équipage des catamarans venus de Nouvelle-Zélande. Crédit photo : Haimona Brown, décembre 2012

Un haut lieu de tourisme

Les vestiges archéologiques, et particulièrement les grandes statues en tuf, appelées moai, sont le principal attrait touristique. Elles ont été construites par les ancêtres des Rapanui pour représenter leurs grands chefs décédés. En 1935, l’État chilien transforme près de 43 % de la superficie de l’île en Parc national et intègre les moai dans son patrimoine national. En 1995, l’Unesco inscrit l’ensemble dans la Liste du patrimoine mondial de l’humanité. En 2015, l’île d’environ 7 000 habitants accueille près de 100 000 visiteurs, ce qui pose aujourd’hui une série de problèmes.

Le premier problème est d’ordre économique : les insulaires ont réduit leur production agricole pour investir dans l’hôtellerie et dans les spectacles. Cela provoque une nouvelle dépendance envers le Chili, car une grande partie des aliments doit être importée. Le second phénomène est d’ordre démographique avec des conséquences écologiques et sociales : pendant la saison estivale, l’affluence des visiteurs met en péril l’accès à des ressources, telles que l’eau potable ou l’électricité, et provoque une importante concentration de déchets. Enfin, une sensation de surpopulation ressentie par les Rapanui provoque des conflits sociaux avec les non-autochtones.

John Tuki (50 ans), est rentré à Rapa Nui en 2010 après 20 ans passé au Chili. Crédit photo : Diego Muñoz, 2011

Les Rapanui et la réappropriation du territoire

À partir des années 1970, les Rapanui cherchent à se réapproprier leur territoire et leur histoire. En effet, les Rapanui ex­priment une fierté par rapport à leur passé et considèrent que les moai font partie de leur héritage. Alors que l’État chilien interdit de toucher les statuts et de monter sur les autels sur lesquels celles-ci sont dressées, les Rapanui les ont intégrées à de nouvelles pratiques, contrevenant les normes chiliennes de conservation.

Par ailleurs, invoquant la protection de l’environnement, des valeurs traditionnelles et du patrimoine, les Rapanui ont exigé de l’État une régulation stricte de l’immigration venu du Chili continental. Approuvée en 2017, une loi limite à 30 jours le séjour sur l’île pour toute personne, à l’exception des Rapanui et de leur conjoint non Rapanui. À la fin de 2018, 2 000 personnes non Rapanui devaient encore quitter le territoire.

La mère de Tau a Hiro (6 ans) est allée au Chili pour accoucher. En 2009 ils sont revenus sur l’île. Crédit photo : Diego Muñoz, 2011

Bibliographie

  • Cloud, L et Tuki, T., 2015, « Rapanui, un territoire placé sous régime patrimonial : les défis de sa restitution au peuple maori rapanui ». In Bellier, I. Terres, territoires, ressources : Politiques, pratiques et droits des peuples autochtones. Paris : L’Harmattan.
  • Muñoz, Diego, 2018, « Le réveil des aringa ora : le renouveau culturel rapanui ». In Collectif. L’île de Pâques. Arles : Actes sud.
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