Auteure : Pascale Bonnemère
CREDO (AMU-CNRS-EHESS; UMR 7308) – http://www.pacific-credo.fr
La vallée de la Suowi, au sud de la Papouasie Nouvelle-Guinée est isolée et difficile d’accès, ce qui n’empêche pas les 600 Ankave qui y vivent d’avoir toujours eu des contacts avec l’extérieur.
Premiers Blancs et recrutement de main-d’œuvre
Les habitants de la vallée de la Suowi ont vu un Blanc pour la première fois en 1938. La rencontre fut violente et ce n’est qu’en 1965 qu’un contact pacifique fut établi, qui impliqua des dons de coquillages contre des vivres. La vallée ne s’ouvrit pas pour autant au monde extérieur, sauf pour ce qui est du recrutement de main-d’œuvre. Quelques hommes partirent travailler en plantation dès le milieu des années 1960 et y restèrent parfois plusieurs années, revenant avec un peu d’argent, des vêtements et quelques faitouts.
Le commerce des nattes d’écorce
Dans la région, les Ankave sont les spécialistes de la fabrication des nattes et des capes faites en écorce battue. Elles sont appréciées pour servir de matelas dans toute la région. Les Ankave partent régulièrement en expédition pour vendre ces nattes dans la station de Menyamya, qui se trouve à plus d’un jour de marche avec un dénivelé de 1 800 mètres. Ils les échangeaient autrefois contre de la monnaie de coquillages − les cauris −, aujourd’hui contre quelques kinas, la monnaie nationale.
Une piste d’aviation pour sortir de l’isolement
La vallée des Ankave se situe loin des grands axes de développement de la Papouasie Nouvelle-Guinée et pour atteindre la route de terre la plus proche, il faut marcher deux jours. Après 20 ans de tractations et de travaux interrompus à plusieurs reprises, la première piste d’aviation a pu être inaugurée en 2011 grâce au travail d’un ethnologue français. Cette piste a permis l’ouverture d’un dispensaire et d’une école, ce que les Ankave réclamaient depuis des années.
Frais de scolarité et migration de travail
Après une accalmie de plusieurs décennies, les migrations de travail reprennent aujourd’hui, en raison de la scolarisation de plus en plus fréquente des enfants. Dans la vallée, deux classes élémentaires ont été ouvertes en 2012. Mais les frais de scolarité ne peuvent pas être couverts par le commerce de capes d’écorce, et des hommes partent, souvent à plusieurs, vers l’est du pays pour travailler dans les vastes plantations de palmiers à huile qui ont désormais largement remplacé celles de cocotiers. En avril 2018, 20 hommes sur un total de 130 hommes adultes étaient absents de la vallée. Les femmes n’en sortent que pour accompagner les hommes lors des expéditions de vente de nattes d’écorce et pour amener un enfant malade au centre de santé de la station de Menyama.
Bibliographie
Bonnemère, P. et P. Lemonnier. 2007. Les tambours de l’oubli : la vie ordinaire et cérémonielle d’un peuple forestier de Papouasie/Drumming to forget : ordinary life and ceremonies among a Papua New Guinea Group of Forest-dwellers, Paris, Pirae Musée du quai Branly/Au vent des îles.
Bonnemère, P. et P. Lemonnier. 2009. « A Measure of violence : Forty Years of « First Contact » among the Ankave-Anga (Papua New Guinea) », p. 295‑333 in M. Jolly, S. Tcherkézoff and D. Tryon (eds.), Oceanic Encounters : exchange, desire, violence, Canberra : ANU E Press.