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Le renouveau du tatouage polynésien aux îles Samoa

Auteur : Sébastien Galliot
CREDO (AMU-CNRS-EHESS; UMR 7308) – http://www.pacific-credo.fr 

Depuis les années 1970, les îles Samoa sont un haut lieu d’inspiration et un centre de formation reconnu par les tatoueurs du Pacifique et du reste du monde.

Une pratique culturelle qui n’a jamais connu d’interruption

Peuplées il y a environ 3500 ans et découvertes par les Européens en 1722, les îles Samoa ont connu au xixe siècle une période de conversion massive au christianisme (méthodisme, protestantisme et catholicisme). Au xxe siècle, la partie occidentale a été sous domination allemande, puis néo-zélandaise, pour devenir indépendante en 1962, alors que la partie est des îles a été occupée par les États-Unis et l’est encore aujourd’hui. Malgré la présence étrangère et la forte opposition des missionnaires protestants et catholiques, la pratique du tatouage initiatique dans cet archipel de Polynésie occidentale a fait preuve d’une exceptionnelle continuité. Les rivalités politiques intervillageoises combinées aux rivalités entre protestants et catholiques – situation à laquelle s’ajoutent un pouvoir politique très décentralisé et un territoire très vaste – ont finalement constitué un frein à l’ambition des missionnaires de contrôler les mœurs des insulaires jusque dans leur pratique du tatouage.

Session de tatouage par Peni Tuifa’asisina, Point Chevalier, Nouvelle-Zélande. Crédits photos : Sébastien Galliot, 2007.

Un rituel initiatique

La technique de mise en image sur les corps, l’iconographie, de même que les généalogies et les clans de tufuga tā tatau (spécialistes en rituel de tatouage) demeurent les éléments les plus stables de cette pratique culturelle. À Samoa, l’exécution des tatouages se déroule dans un lieu appelé « maison du tatouage » (fale tā pe’a) ou « hutte sacrée » (apisā), placé sous la protection de Dieu par un prêtre ou un chef de famille. Le rituel, tel qu’il est pratiqué à Samoa, reste une épreuve physique dont les co-initiés ressortent changés pour toujours. Les croyances qui entourent ce rituel en font un moment charnière dans la vie d’un individu durant lequel le spécialiste et ses outils permettent à des forces invisibles de révéler la qualité des relations que le futur initié entretien avec son entourage.

Malu, tatouages féminins, réalisés par Su’a Sulu’ape Alaiva’a, Apia, Upolu, Samoa. Crédits photos : Sébastien Galliot, 2001.

Des images qui font sens

Les images tatouées – identiques d’un sujet à l’autre – sont, d’abord et avant tout, autant d’indices des compétences (oratoires, culinaires, physiques) du porteur. Appelés pe‘a dans leur forme masculine, malu dans leur forme féminine, ces genres traditionnels de marquage tégumentaire (sur la peau) sont à la fois des biens de grande valeur et des signes de bravoure, qui s’acquièrent en une seule fois, à grands frais, et au cours d’un rituel à la configuration variable mais très codifié. Tandis qu’ailleurs dans le Pacifique­ les phénomènes de renouveau culturel se sont emparés des motifs de tatouage pour manifester les spécificités culturelles et produire des discours identitaires, les tatouages samoans sont, quant à eux, de véritables œuvres rituelles produites et contrôlées par une communauté d’experts tatoueurs.

Pe’a, tatouage masculin, réalisé par Su’a Loli Misitikeri, Vaipu’a, Savai’i, Samoa. Crédits photos : Sébastien Galliot, 2005.
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