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Naviguer sans boussole : l’exemple des Îles Salomon

Auteures : Anne Di Piazza & Sandra Revolon
CREDO (AMU-CNRS-EHESS; UMR 7308) – http://www.pacific-credo.fr 

La navigation est au cœur de la vie des habitants des îles Salomon. Cet archipel morcelé est composé de 992 îles et îlots, dont un tiers est habité.

Sur les grandes îles et à proximité des zones urbaines et semi-urbaines, des canots en fibres de verre équipés de moteur sont employés pour les déplacements quotidiens et au long cours. Dans les petites îles, souvent plus pauvres, les habitants privilégient des pirogues en bois sans voile ni balancier. Composées de bordages cousus et calfatés, elles sont construites par des experts en architecture navale.

Petite pirogue de pêche en cours d’assemblage. Tandis qu’un homme assouplit le lien avec son couteau, un second ligature le fond aux deux galbords. Les piquets enfoncés dans la terre servent de gabarit pour établir la forme de la coque. Crédit photo : Anne Di Piazza, Aorigi, 2015

Lire le paysage

Sur l’une de ces îles, Aorigi, à l’est de l’archipel, les hommes sont à la fois navigateurs, astronomes et fins connaisseurs de leur environnement. Les relations particulières qu’ils entretiennent avec le monde de l’invisible leur permettent d’interpréter le paysage, de s’orienter et de se déplacer à proximité d’une terre ou d’un haut-fond grâce à certains indices : là la formation d’un cumulus à l’aplomb d’une terre, ailleurs le vert d’un lagon reflété dans un nuage, l’apparition d’une nuée de frégates à la surface de l’océan.

Warren Rura, expert en construction de pirogue, pose près de la pirogue à bonite qu’il vient de terminer. Crédit photo : Sandra Revolon, Aorigi, 2015

Les pirogues à bonites

Sur cette île, les bonites, appartenant avec les thons, les thazards et les maquereaux, à la famille des Scombridés, sont au cœur des pratiques de pêche en haute mer, mais aussi de rituels d’initiations des petits garçons qui deviendront, à l’âge adulte, de grands pêcheurs. Des pirogues spécifiques appelées gai ni waiau, « pirogues à bonites », sont construites pour l’occasion. En 2015, une archéologue et une ethnologue du Credo ont documenté la construction et l’usage des pirogues sur Aorigi. Celles-ci sont construites sans balancier ni quille. Elles sont faites de planches reliées entre elles par des lianes (ligatures) et rendues­ imperméables par un mastic à base de fruit (calfatage). Dans les années 1970, l’anthropologue américain William Davenport (1922-2004) a constitué un fonds documentaire (photographies et notes de terrain) sur le même thème, aujourd’hui archivé au Penn Museum Archives, à Philadelphie (États-Unis). L’UMS MAP a permis, en 2019, le rapatriement de ce fonds à Marseille­ afin d’en offrir l’accès au grand public.

Deux pirogues à bonite sur la plage d’Aorigi. Le lancement de nouvelles pirogues s’accompagne de pratiques rituelles essentielles à la reproduction de la société owa. Crédit photo : Sandra Revolon, Aorigi, 2015
Les îles Salomon sont l'un des 10 pays les plus concernés par les catastrophes naturelles et les effets du dérèglement climatique. C'est aussi le plus pauvre du Pacifique et le 24ème pays le plus pauvre au monde.
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